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Licenciement économique: Cure d’amincissement ou faillite? Le choix cornélien

18 sept. 2020 L'Economiste

A l’heure où le Maroc fait face, comme de nombreux autres pays, à la pandémie du Covid-19, l’activité économique globale du pays se trouve paralysée. Bien que le gouvernement ait mis en place des mesures de soutien aux entreprises pour éviter les faillites et les licenciements économiques, il n’en reste pas moins que le problème du sureffectif demeure posé. Après des mois de confinement pour endiguer l’épidémie de Covid-19, des entreprises quasiment à l’arrêt vont devoir faire face à une restructuration de leur personnel.

Dès lors, les difficultés économiques vont se manifester par une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires, une perte d’exploitation, une dégradation de la trésorerie, etc. Or, pour pouvoir entamer une procédure de licenciement économique, il faut que ces évolutions entachent la pérennité de l’entreprise et la mettent en péril. La situation économique de l’entreprise avant l’épidémie de Covid-19 et l’impossibilité de redémarrer une partie de son activité dans les prochains mois sont deux paramètres qui devront être pris en compte.

Pour  des dizaines d’entreprises, le licenciement demeure l’ultime réponse aux difficultés économiques. C’est en ce sens que le gouvernement doit veiller à instaurer plus de souplesse dans la mise en œuvre de certains plans sociaux, notamment lorsque la cure d’amincissement reste la seule voie à même de remettre l’entreprise à flot et de sauver une partie des emplois.

La rupture du contrat de travail par l’employeur pour des raisons non inhérentes à la personne du salarié est possible. Le code du travail consacre à ce type de licenciement toute une section et le qualifie de «licenciement pour motifs technologiques, structurels ou économiques» sans en donner une définition précise. En revanche, les articles 66 à 70 ont le mérite de déterminer le champ d’application du licenciement ainsi que la procédure y afférente. Du fait qu’il touche un groupe de salariés, le licenciement économique peut avoir un impact sur la stabilité et la sécurité de l’emploi, raison pour laquelle la procédure est complexe et réglementée.

Les entreprises concernées doivent connaître des difficultés économiques d’une intensité telle qu’elles rendent impossible le fonctionnement normal ou menacent la pérennité de l’entreprise. Ces dispositions sont applicables uniquement aux entreprises employant habituellement plus de 10 salariés, ce qui pose la question de la procédure à mener dans les entreprises de moins de 10 salariés, question qui reste sans réponse à ce jour!

La procédure applicable au licenciement économique se caractérise par sa grande complexité. Hélas, elle ne permet pas aux employeurs d’adapter rapidement leur effectif salarié à des changements économiques brutaux. L’employeur doit informer les représentants des salariés des difficultés rencontrées, au moins un mois avant le licenciement, avant même de solliciter l’autorisation du gouverneur en vue de la réduction d’effectif. Des négociations doivent être menées afin de réfléchir à des dispositions qui permettraient d’éviter le licenciement ou d’en atténuer les effets négatifs avec éventuellement des possibilités de réinsertion de certains salariés dans d’autres postes.

En vertu des articles 67 et 68 du code, le licenciement économique est subordonné à l’autorisation du gouverneur qui peut être obtenue selon les étapes suivantes. Une demande d’autorisation de licenciement doit être adressée par l’employeur au délégué provincial chargé du travail accompagnée du PV des négociations précité et de tous les documents pouvant justifier le projet de licenciement. Cette demande doit être accompagnée  d’un rapport comportant les motifs économiques, nécessitant l’application de la procédure de licenciement; l’état de la situation économique et financière de l’entreprise; et un rapport établi par un expert-comptable ou par un commissaire aux comptes. Le délégué provincial chargé du travail doit mener les recherches qui lui paraissent utiles et doit transmettre le dossier aux membres de la commission provinciale, dans un délai ne pouvant dépasser un mois à compter de la réception de la demande d’autorisation.

Le code prévoit, dans le cas de l’obtention de l’autorisation du gouverneur, une exemption du paiement par l’entreprise des «dommages et intérêts» au profit des salariés licenciés. Les indemnités de licenciements restent dues.

Il est clair qu’en raison de la conjoncture actuelle, des dizaines d’entreprises ressentent de plus en plus le besoin de mettre en place un plan social afin d’assurer leur survie. Or, sa mise en œuvre reste très compliquée du fait qu’elle passe par l’appréciation des motifs économiques par les autorités administratives qui ont le pouvoir de décider si les difficultés économiques rencontrées sont d’une gravité telle qu’elles peuvent mettre en péril l’existence de l’entreprise. Il y a lieu de préciser que dans plusieurs cas, ne pas permettre à l’entreprise de réduire son effectif conduit cette dernière à la faillite et in fine à la perte de la totalité des emplois.

Une autorisation rarement accordée

Présidée par le gouverneur, la commission provinciale est chargée d’étudier le dossier de demande d’autorisation de licenciement et de statuer sur celui-ci. Elle est composée de représentants de l’administration, des employeurs et des salariés. Sur le fondement des conclusions de la commission, le gouverneur décide d’accorder ou non l’autorisation de licencier des salariés pour des motifs économiques ou de fermer totalement ou partiellement l’entreprise au cas où la poursuite de son activité deviendrait impossible. La décision du gouverneur doit être motivée et doit survenir au plus tard dans les deux mois du dépôt de la demande d’autorisation. Lorsque l’autorisation est accordée, le licenciement des salariés peut alors avoir lieu. En pratique, l’autorisation du gouverneur est rarement accordée.

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