Plusieurs producteurs d’eaux minérales peinent à s’acquitter des redevances propres aux débits exploités. C’est notamment le cas de la marque Ain Saïss, de la société Sotherma, qui a cumulé 23,5 MDH de redevances, ou encore de la société des eaux minérales El Karama (Ain Soltane) qui devra verser 5 MDH de redevances à l’Agence du bassin hydraulique (ABH) de Sebou. En revanche, d’autres sociétés comme Ain Ifrane affichent un bilan positif. En effet, la société détentrice de la marque compte doubler sa production avec une augmentation de plus 90.000m3 d’eau chaque année.
Malgré les bonnes performances enregistrées par le secteur des eaux
embouteillées au niveau national, plusieurs producteurs d’eaux
minérales éprouvent des difficultés à s’acquitter des redevances propres
aux débits exploités. En effet, d’après les informations collectées
dans la région Fès-Meknès, on remarque que le bilan de la plupart des
sociétés d’eaux minérales embouteillées de cette zone est lourdement
impacté par le fardeau des redevances. Contactés par Les Inspirations
ÉCO, la plupart des responsables des sociétés en question ont préféré ne
pas répondre à nos questions.
Après la campagne de boycott, la communication au sein de ce
secteur de première nécessité est devenue très délicate. D’après nos
sources, la société Sotherma, qui exploite et commercialise les marques
Sidi Harazem et Ain Saïss, a cumulé des redevances atteignant 23,5 MDH.
Précision: la société n’a jamais payé de redevance pour son exploitation
des eaux, notamment pour sa marque Ain Saïss. Après une longue
poursuite judiciaire initiée par l’Agence du bassin hydraulique (ABH) de
Sebou et les réunions marathoniennes d’une commission restreinte
composée du ministère des Finances, des responsables de la société
Sotherma, des acteurs du secteur de l’eau et de l’ABH de Sebou, les
différentes parties ont décidé que la société Sotherma paiera ses
redevances des années 2002 à 2015 (23,5 MDH) sans majoration. En
contrepartie, l’agence de Sebou s’engage à retirer sa plainte. Idem pour
la société des eaux minérales El Karama (Ain Soltane), située à
Imouzzer Kandar, dans la province de Sefrou. En effet, la société a
aussi décidé de payer des redevances, de 5 MDH cette fois, à l’ABH de
Sebou. Ce montant est le cumul enregistré entre 2007 et 2013. D’après
des sources internes, la société a connu des difficultés financières et
des pertes annuelles jusqu’en 2018. C’est ainsi que Ain Soltane a
demandé un rééchelonnement de ses dettes pour la période 2019-2020.
Un marché en pleine expansion
Contrairement aux
sociétés en «difficulté», d’autres marques d’eaux embouteillées dans la
région s’en sortent bien. On retrouve notamment la marque Ain Ifrane de
la Société euro-africaine des eaux, filiale du Groupe des boissons du
Maroc. Après son premier contrat, signé en septembre 2004, pour
l’exploitation d’un débit annuel de 94.650 m3, la société a validé son
quatrième amendement du contrat préférentiel pour l’exploitation des
eaux de Ain Ifrane (Ben Smim) pour le vendre en bouteille. Cette année,
la société compte doubler sa production avec une augmentation de plus
90.000 m3 d’eau chaque année. Par ailleurs, la région connaîtra
l’arrivée d’un nouvel exploitant. Il s’agit de la société Maroc
Consulting Environment Global (MCEG), avec laquelle un contrat
préférentiel pour l’extraction des eaux souterraines et leur vente en
bouteille a été signé. Ce nouveau projet, dont les détails n’ont pas
encore été dévoilés, doit autoriser la société à exploiter pour une
durée de 30 ans quelque 200.000 m3 annuellement. Nécessitant un
investissement de 15,3 MDH, ce projet va créer 54 emplois directs et 50
indirects. Quant aux redevances, ils seront établis sur la base d’un
pourcentage du chiffre d’affaires réalisé.
Par ailleurs, il faut noter que les habitudes de consommations au
Maroc ont évolué au point que le marché des eaux embouteillées
enregistre depuis quelques années de fortes croissances. Ainsi, la
consommation annuelle par habitant aurait enregistré un taux de
croissance annuel moyen de 8,7%. En 2016, la demande en eau embouteillée
a été évaluée à plus de 1,065 milliard de litres. En 2015, cette
demande a été estimée à plus de 943,9 millions de litres. Il y a trois
ans, la consommation moyenne annuelle par habitant est de près de 30,7 l
contre moins de 10 l par habitant en 2005. Bien entendu, l’accès à ce
produit de consommation n’était pas facile mais le temps, le changement
des mentalités, des habitudes de consommation parallèlement à
l’évolution du pouvoir d’achat des Marocains expliquent l’évolution de
ce marché. S’agissant de la composition de ce marché, ce dernier est
dominé par les eaux plates qui représentent 93,6% en volume. En valeur,
elles représentent 87,1%. Notons que l’eau minérale naturelle plate
représentait 72% des ventes en volume en 2016. Elle est suivie par l’eau
de table (près de 21%) et l’eau gazeuse avec près de 13%. Ayant
constaté cette évolution, les entreprise s’activant dans le secteur ne
ménagent pas les efforts tant marketing que d’innovation pour grignoter
des parts de marché. Ce dernier reste tout de même très étroit. Selon un
dossier d’information relatif au programme d’émission de billets de
trésorerie des Eaux minérales d’Oulmès en 2016, «c’est un marché assez
étroit, concentré et difficile à pénétrer de par les investissements
lourds à engager et la complexité des réseaux de distribution». Il est
marqué par une importante concentration puisque trois sociétés (Les Eaux
minérales d’Oulmès, Sotherma et Al Karama) accaparent près de 90% des
parts de marché et 10% des ventes en valeur à fin décembre 2016. Selon
le dossier d’information relatif au programme d’émission de billets de
trésorerie des Eaux minérales d’Oulmès 2016, «L’apparition de nouveaux
produits, depuis plusieurs années déjà, ne remet pas en cause cette
concentration. L’industrie de l’eau demeure une industrie nécessitant un
fort maillage de distribution: les ventes d’eaux embouteillées
transitent par différents circuits de distribution avant d’aboutir chez
le consommateur final».
Au niveau de la distribution, celle-ci se fait essentiellement via
les grandes et moyennes surfaces ainsi que les magasins d’alimentation
générale qui commercialisent la majorité des volumes d’eaux
embouteillées. S’agissant des importations, ces dernières proviennent
essentiellement de France. Elles sont assorties de prix assez élevés et
ciblent une clientèle pour le moins aisée. De plus, ils sont distribués
via un réseau qui cible une clientèle de niche. Enfin, il faut noter que
les «eaux minérales et eaux gazéifiées» importées sont soumises à des
droits de douane de 25%.